Interview du Directeur Général

 Internet, Cybersécurité, Téléphonie mobile, Régulation postale:

Les éclairages du Directeur Général de l'ARTCI 


photo dg artci 350Monsieur le Directeur Général, comment se porte le secteur des télécommunications-Tic dans notre pays ?

Le secteur des télécommunications/tic en Côte d’Ivoire réalise des performances remarquables depuis quelques années, en témoignent les derniers indicateurs du secteur. En 2016, le chiffre d’affaires sur les trois principaux segments du marché (téléphonie fixe, téléphonie mobile, internet) s’élève à environ 1.100 milliards de FCfa, contre 1.066 milliards de FCfa l’année précédente. Cette performance enregistrée est tirée par le dynamisme de l’activité mobile dont la part dans le chiffre d’affaires réalisé est d’environ 80% (soit 872 milliards de FCfa). À fin décembre 2016, ce sont plus de 27,4 millions de cartes SIM actives qui ont été comptabilisées. En 2011, nous comptabilisions 17,34 millions d’abonnés, soit une croissance de plus de 10 millions d’abonnés supplémentaires en cinq (5) ans ; ce qui équivaut à une augmentation moyenne d’environ 2 millions de nouvelles cartes SIM par an. Si pendant de nombreuses années les services voix ont constitué l’essentiel des usages, le dynamisme des télécommunications dans notre pays a fait apparaître de nouveaux usages avec des services innovants tels que le mobile money et l’internet mobile qui font désormais partie du quotidien des populations ivoiriennes ; cette diversification des services procure également des revenus additionnels significatifs aux opérateurs. L’introduction de nouvelles technologies notamment la 4G a boosté l’usage de l’internet mobile de 55%, passant de 6,7 millions (fin mars 2016) à 10,4 millions de carte SIM ayant une connexion internet à fin décembre 2016.

Les investissements dans le secteur suivent-ils la forte demande ?
L’octroi de la licence 4G aux trois opérateurs de téléphonie mobile a suscité la réalisation d’importants investissements pour le déploiement de cette technologie. Les investissements globaux réalisés par les opérateurs de téléphonie et fournisseurs internet sont passés de 194 milliards de FCfa en 2015 à plus de 280 milliards de FCfa en 2016, soit une hausse d’environ 44%. Tous ces indicateurs témoignent du dynamisme et de la bonne santé du secteur des télécommunications/ tic en Côte d’Ivoire. Nous restons, cependant, persuadés que beaucoup reste à faire. Et nous continuons à œuvrer pour que le développement des télécommunications/tic se fasse de façon homogène et inclusive sur l’ensemble du territoire au profit des populations.

Concernant les actions du régulateur, quel est le bilan de l’année écoulée ?
Plusieurs réalisations sont à mettre au crédit du régulateur ivoirien pour cette année 2016.L’un des faits marquants de cette année 2016 a été sans nul doute la restructuration du marché avec le passage de 7 à 4 opérateurs de téléphonie mobile. Le 4ème opérateur étant un nouvel entrant qui bénéficie d’une licence d’opérateur mobile. Les opérateurs Comium, Greenn, Niamoutié telecom et Ward se sont vus retirer leurs licences d’exploitation pour manquement à leurs obligations envers l’État, l’Artci et les consommateurs.

Le 4e opérateur a été désigné il y a quelques mois. À quand le début de ses activités ?
En effet, la 4e licence globale de télécommunications/ tic a été octroyée par l’État de Côte d’Ivoire à la société LPtIC (Libyan Post and telecommunications Information technology Company) le 14 septembre 2016. Les activités de cet opérateur n’ont pas encore démarré pour des raisons d’organisation interne à cette société. Cependant, nous espérons qu’elle démarrera très vite ses activités commerciales pour le bonheur de nos populations et nous œuvrons à ce que cela se fasse.

Qu’est-ce qui est fait pour avoir une concurrence saine entre les opérateurs ?
Toujours dans le sens d’améliorer l’environnement concurrentiel, l’ARTCI a établi les lignes directrices pour la mise en œuvre de la comptabilité analytique et du roaming national. Les premières restitutions réglementaires de cette comptabilité analytique ont été faites par les opérateurs suite à un accompagnement fourni par l’ARTCI. Un audit de ces restitutions a été commandité. L’ARTCI a aussi adopté une décision pour la mise en œuvre effective de la portabilité des numéros mobiles et cela dans un délai de 24 mois c’est-à-dire au 31 décembre 2017.
Nous avons également procédé à la réalisation du second cycle d’analyse des marchés en vue de déterminer ceux qui sont pertinents et les opérateurs qui y exercent une puissance significative.
Les conclusions de cette analyse ont permis d’adapter notre segmentation en vue d’une meilleure surveillance des marchés notamment celui de l’internet pour lequel une réflexion a été menée sur la tarification de l’accès à Internet.

Quel a été l’impact de ces actions ?
Ces actions de régulation ont permis de renforcer le dynamisme du marché des télécoms reflété par une amélioration de la maturité numérique de la Côte d’Ivoire qui selon l’Idi (indice de développement des tics publié par l’Uit occupe aujourd’hui la 14e place en Afrique et la 2e en Afrique de l’ouest, derrière le Ghana. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire fait partie du groupe des dix (10) pays ayant le mieux amélioré leur Indice de développement tic (Idi), au niveau mondial, entre 2015 et 2016.

La cybercriminalité est une préoccupation nationale. Que fait le régulateur pour rassurer la population ?
En matière de cyber sécurité et protection du cyberespace national, le CI-Cert piloté par l’ARTCI a adhéré au First devenant ainsi le premier pays de l’Afrique de l’ouest francophone et le 2e pays d’Afrique de l’ouest après le Nigeria, à être membre du First. Pour ce qui est de la protection des données à caractère personnel, l’ARTCI a mené des campagnes de sensibilisation et de formation, et délivré des autorisations pour les traitements à des acteurs aussi bien privés que étatiques.

Les compétences de l’ARTCI s’étendent aussi à la Poste. Comment se porte cette activité ?
Le secteur postal que nous régulons aussi n’est pas en reste, sous la houlette du ministère de la Communication, de l’Économie Numérique et de la Poste, la Côte d’Ivoire a obtenu l’organisation du congrès de l’Union Postale Universelle (UPU) en 2020. Le cadre règlementaire du service postal universel a été finalisé et 2017 verra la désignation de l’opérateur en charge de ce service. En outre, des dispositions ont été prises pour la sensibilisation et la régularisation des acteurs intervenant dans le domaine postal.

Les consommateurs se plaignent des prix des communications et de l’internet. Quelles solutions préconisez-vous ?
L’internet est aujourd’hui reconnu comme un droit fondamental par les Nations Unies au même titre que l’accès à l’eau et à l’électricité. L’ARTCI, consciente de cela, œuvre à ce que chaque citoyen ivoirien puisse avoir accès à Internet. Les tarifs de l’accès à internet en Côte d’Ivoire comparativement à certains de nos voisins ou à d’autres pays de référence paraissent relativement chers et sont décriés par la population ; toute chose qui pourrait freiner l’objectif d’un accès pour tous. Cependant, l’appréciation que nous avons en tant que régulateur est d’œuvrer continuellement à la mise en place d’un environnement concurrentiel propice au développement de l’Internet, préservant les intérêts de l’ensemble des parties prenantes notamment les consommateurs.

Concrètement, qu’avez-vous fait ?
Depuis 2015, nous avons adressé prioritairement cette question à travers un certain nombre d’actions dont la plus marquante à ce jour est la prise d’une décision portant plafonnement des tarifs de gros des services de capacités nationales et internationales. Cette décision impose une baisse globale de 50% en 2017 sur les tarifs de gros des capacités internationales et nationales, nécessaires à la fourniture du service internet.
L’impact attendu de cette décision est un accroissement de la compétitivité des fournisseurs d’accès internet qui pourront s’approvisionner à de meilleures conditions et in fine répercuter ce gain de productivité induit par cette baisse sur les tarifs de détails pratiqués aux consommateurs finaux.

Avez-vous prévu un mécanisme pour vous assurer que le consommateur final bénéficie de cette mesure ?
L’ARTCI mettra, à cet effet, en place une surveillance du marché pour s’assurer que les consommateurs bénéficient des retombées de cette décision ; auquel cas l’ARTCI pourrait utiliser d’autres leviers de régulation, notamment une intervention sur les tarifs de détails si un écart significatif est constaté au regard des coûts de référence. Nous ne nous arrêtons pas là, l’ARTCI a également imposé aux opérateurs détenteurs de câbles sous-marins, le dégroupage de l’accès à cette infrastructure essentielle pour la fourniture de l’Internet. D’autres actions visant l’introduction de nouveaux acteurs sur le segment international et national, et la mise à disposition de ressources spectrales sont en cours. Ces actions permettront à terme le renforcement de la concurrence sur le marché de l’internet et induiront une baisse des prix comme nous avons pu l’observer au niveau du marché de la téléphonie mobile. Je peux vous assurer que nous ne ménagerons aucun effort pour assurer un accès abordable à internet et démocratiser son usage au profit de toutes nos populations.

Quelles sont les perspectives?
À l’heure des objets connectés, du tout numérique et de l’internet large bande pour tous, l’ARTCI s’est engagée dans un processus d’amélioration continue en adoptant un plan stratégique sur 4 ans (2017-2020), dont les priorités tournent autour de quatre piliers essentiels couvrant les télécommunications, la poste, la protection des données à caractère personnel et la sécurité, avec pour vision « d’être un acteur clé de l’essor de l’économie numérique ». Dans le cadre de ce plan stratégique, pour ne citer que quelques actions clés, l’ARTCI, pour 2017, entend conduire à son terme, le processus de mise en œuvre de la portabilité des numéros mobiles en Côte d’Ivoire. L’ARTCI finalisera aussi le processus d’identification des zones blanches en Côte d’Ivoire et proposera un plan de couverture de ces zones afin d’accompagner les actions du gouvernement dans le cadre de l’aménagement numérique du territoire. Une évaluation de la couverture du territoire national en services tic sera réalisée en plus de la mesure de la qualité de service des réseaux mobiles 2G, 3G et 4G. En outre, l’ARTCI achèvera les travaux préparatoires entamés en 2016, pour l’implémentation du « free roaming » avec les pays de la zone Uemoa ; cet espace communautaire de libre échange en matière de trafic télécom aboutira à la baisse considérable, voire la suppression complète des surcoûts pour les appels en provenance et à destination des pays concernés.